Dignes du bonheur

Bonsoir,

En espérant que la connexion se poursuive dans de bonnes conditions, je tente d'écrire du fond de mon lit. J'ai déjà rédigé un article en fin de matinée, mais une mauvaise manipulation de mon téléphone a provoqué l'effacement du message !

J'y décrivais la nature présente ici : du gazon, des arbres,...  En vacances ? Non, bien à mon 13ème jour de désintoxication.

 Cet environnement végétal est souvent présent dans les centres psychiatriques. Cela fait partie de la thérapie : redécouvrir les détails de la nature. J'ai eu l'occasion d'une belle expérience de ce type, samedi matin, puisque P. et R. m'ont permis de partager une promenade de 8 kms dans la forêt avoisinante. Arbres, plantes, fleurs,... En ce début de décor automnal, nous avons aussi croisé le chemin de deux chevreuils... Le moment fut emprunt d'apaisement, de découvertes et d'échange.

 En ce qui concerne dimanche après-midi, ce fut une autre paire de manches. Un peu "raplapla" avec mon 9 de tension, je décide de me la jouer cool ! Lecture, écriture, internet, lecture, écriture,... Après 2 heures, je ressens des difficultés à aller retrouver les personnes qui ne sont pas de permission. Je persiste dans mon isolement et m'aperçois qu'une sorte de mélancolie me gagne. Elle ne passera que dans la soirée avec un Trivial Poursuit par équipe.

Bilan : j 'ai revécu une situation à risque. Même si je n'ai pas ressenti d'envie d'alcool, je sais qu'en temps normal, c'est celle qui me mène vers l'alcoolisation.

A méditer...

A demain si connexion possible.

Bonsoir,

Quelle journée ! Je me rends ainsi compte que je ne suis pas à 100% de ma forme!!!

Premier RV à 9h45. Je décide d'effectuer quand même 20 mn de muscu-toujours ça de pris-et quelques calories de perdues-objectifs : se muscler (jusque là ça paraît évident) et maigrir (là ça l'est moins. Surtout pour moi !).

N'oublions pas, que même sans vrais repas, l'alcool "nourrit bien son homme".

Donc 1er échange avec la psychologue qui m'est attribuée. Le courant passe plutôt bien. 3/4 d'heures plus tard j'en sors un peu perturbée-réaction à priori normale, après s'être livrée et soulevé une nouvelle fois LES SITUATIONS à "traiter".

J'enchaîne sur le RV avec le médecin alcoologue. Le courant passe bien aussi. J'obtiens les réponses à mes questions : traitement, perte de cheveux,... Et la mauvaise nouvelle tombe : coinçée là ce w.e.. Déception, car pas d'activité.

Déjeuner et départ en navette pour le centre hospi général (40kms) pour consult O.R.L., c'est la tradition... Petite anesthésie locale, petit tuyau dans le nez vers la gorge ( quand je vous dis que c'était une sacrée journée !) et verdict : tout va bien. Ouf. Encore ça de pris... Retour sur le site et réunion d'1h30 sur les effets de l'alcool sur la santé. Bien qu'ayant pas mal d'infos théoriques et... pratiques, j'apprends encore...

Puis (et non ! pas terminé !) réunion hebdomadaire avec l'équipe du centre : planning vaisselle, doléances,... Dîner.

Et que me propose-t-on gentiment ? Une partie de pétanque. Noooooooonnnnnnn, STOP c'était vraiment une sacrée journée...

Même pas le courage de me relire. Pardon si j'ai ripé sur le clavier !!!

A demain

Bonsoir,

Je m'aperçois que je n'ai pas écrit hier soir... Il faut dire que j'ai beaucoup parlé avec un jeune patient : de la vie, de nos parcours d'addiction, de ses tranches de vie dans la rue, de sa fille, de musique, d'écriture,... Ce qui nous a mené au slam !

J'apprends donc qu'il écrit beaucoup de textes inspirés de son vécu, et il accepte de m'en slamer deux. J'ai trouvé de suite l'émotion, la sensibilité qui caractérisent souvent les alcoolodépendants... Discussion agréable, qui confirme que des personnes bien différentes qui vivent dans la promiscuité peuvent échanger, voire s'apporter des moments conviviaux: cela s'appelle aussi de la mixité sociale dans un language politiquement correct !

J'aime pouvoir apprendre, découvrir, les parcours de vies, les ressentis qui me paraissent souvent inimaginables au XXIème siècle Choix de vie ? Pas toujours... En tous les cas, ici, à peu d'exceptions près, la solidarité est naturelle, et les différences s'effacent pour laisser place à une certaine "fraternité".

Côté activités, le planning était calme ces 2 jours, compte tenu des permissions de sortie. J'ai donc décidé de commencer le sport hier matin : muscu-vélo, exercices sur tapis puis marche active dans le parc. Quel bien-être ! Puis lecture, nouveaux échanges... Un peu de tél., mais coupure totale avec la TV. Pas envie...

Ce matin de nouveau sport, puis enchaïnement sur relaxation avec animatrice (infirmière).

Cet après-midi, moment un peu difficile : "histoire de vie" ou en language pro : anamnèse. Raconter de nouveau, les grandes lignes affectives, évolution alcool, circonstances particulières, (!!!). Durée 2 heures... Et un bon cafard : 2 situations dont je n'ai pas encore fait totalement le deuil, vu l'émotion qui m'a envahie.

Un bon bain a suivi et m' a apporté la décontraction dont j'avais besoin. Fatiguée.

A demain...

Bonjour,

Message rapide, car ordi interdit et difficile d'écrire sur clavier portable. Après 21jours d'abstinenve, 3 jours au CH et transfert au centre de cure.accueil, locaux et programme sympas. Suite demain (sauf si pas de connexion : la cata quoi !).

Une bonne nuit en perspective.

C'est moi qui le dit...

Avec persuasion !

Bonjour,

Plus matinale, donc c'est bon signe côté alcool... mais cela veut aussi dire que je me suis bien habituée à ces benzodiazepines en contre-partie. Mais bon, on n'a rien sans rien !

Le moral est revenu, moins de cauchemars, de sueurs la nuit : je me répète à chaque fois, car ces symptômes sont bel et bien réels et font partie du processus. Il est bon de le savoir. Mais le jeu en vaut la chandelle.

Hier, j'ai passé un moment chez moi à discuter avec mon plus grand garçon (22 ans). Nous avons reparlé de la maladie, j'ai répondu à ses questions, comme par exemple "Mais qu'est-ce qui fait que tu vas bien, et que tout bascule d'un seul coup ? Je ne comprends pas". Même si moi-même je n'ai pas toutes les réponses, j'ai simplement tenté de lui exprimer mon ressenti à chacune de ces étapes, et de lui dire qu'il y a un blocage psychologique que je ne parviens pas pour l'instant à régler. Et tant que je ne l'aurai pas réglé, l'alcoolodépendance sera difficile à maîtriser, comme mes émotions.

Notre avis s'est rejoint très vite sur un sujet, puisqu'il m'a confirmé que j'avais besoin de travailler, de m'occuper l'esprit, les activités manuelles qui occupent mon temps après sevrage, la lecture, le jardinage... (que j'apprécie pourtant) ne suffisant pas...

Cela tombe bien, car ayant créé une entreprise, je vais l'aider à développer ses démarches commerciales et de... communication !

Nous avons parlé longuement de sa reprise d'activité pour l'automne, et ce moment m'a procuré une sensation que je n'avais pas connue depuis longtemps : excitation, impatience... 

Je vais enfin servir à quelque chose professionnellement, et en plus pour mon fils !!!!

Ce fut un moment de partage, de tendresse aussi, car je me sentais capable de me livrer, d'avoir une conversation sérieuse, et j'ai ressenti le bien-être que cela lui procurait (confirmé par un bisou intense à son départ).

C'est bien pour tout cela qu'il faut que je poursuive ma bataille, même s'il est plus délicat de vivre des moments équivalents avec mon plus jeune fils (9 ans), qui est pour l'instant en vacances avec son papa.

En cure au mois de septembre, je n'assisterai pas à sa rentrée des classes, et je risque de ne pas le voir avant mon départ...

Ressenti : culpabilité, tristesse.

J'essaierai toutefois d'avoir une conversation avec lui par téléphone, en essayant de trouver les mots les plus appropriés pour lui faire partager l'espoir réel que je mets dans ma prochaine étape. Sans doute pas facile à comprendre pour un petit bonhomme qui partage mon quotidien et qui m'a déjà vu partir en hospitalisation tellement de fois... Mais j'essaierai.

En finalité, je me dis que j'ai de la chance : deux enfants merveilleux, une famille qui m'entoure (prête à prendre en charge mon fils pendant mon absence - son papa vivant à 350 kms), des amies qui me soutiennent, mon compagnon qui m'héberge pour éviter que je sois seule chez moi... 

Mon destin est entre mes mains, ça je le sais depuis longtemps. Arriverai-je à en tirer le positif pour le quotidien futur ? Réponse dans quelques semaines, voire quelques mois...

Il faut toujours un coup de folie pour bâtir un destin.

Marguerite Yourcenar

C'est elle qui l'a dit...

A bientôt